COMMENT TRAVAILLER AVEC DES ARCHÉOLOGUES?

Publié par Francis Bellavance Francis Bellavance, jeudi le 31 janvier 2019
Catégorie: Cas pratiques

À mon avis, l’aspect le plus pratique du guide sur l’archéologie préventive publié par Archéo-Québec, est qu’il tend à répondre à la question suivante : comment travailler avec des archéologues? Le guide s’adresse aux intervenants municipaux, de sorte que certains points pourraient ne pas s’appliquer à tous ceux qui font appel à un archéologue. Par exemple, si vous êtes un promoteur cherchant simplement à lever la «contrainte» archéologique, en vue d’implanter un bâtiment, vous pourriez n’avoir qu’un intérêt limité pour les logiciels cartographiques utilisés par les archéologues.

Je vais énumérer ci-dessous les points que le guide pratique recommande de considérer. J’ajouterai également quelques commentaires de mon cru. Je pense que tous les intervenants, municipaux (et autres), peuvent s’inspirer de ces six points.

Faire appel à un archéologue dès la conception d’un projet d’aménagement

C’est en quelque sorte la base du concept de l’archéologie préventive, telle que présentée dans le guide. Ce concept favorise la planification et permet de faire des choix, en tenant compte de la ressource archéologique. Il convient bien aux municipalités, car elles doivent avoir une vision large, qui tient compte de plusieurs caractéristiques de leur territoire. Les gestionnaires de parcs gagneraient aussi à s’inspirer de cette approche.

Par contre, les archéologues œuvrent souvent dans un contexte d’archéologie de sauvetage. Cette approche est issue d’une planification et d’une vision plus restreinte, de la part de la clientèle. Souvent, le client concentre son attention sur un but bien précis : mettre en place un aménagement quelconque. Un archéologue est contacté, au moment où on se rend compte que le terrain pourrait receler des vestiges. Puis, une intervention archéologique est planifiée à la hâte, pour remédier à la situation.

Documenter l’état des connaissances archéologiques

À cette étape, le client présente sur un plan l’emprise de ses travaux. L’archéologue veut avant tout connaître les endroits où l'on prévoit des excavations. Il s’intéresse également aux surfaces sur lesquelles circulera la machinerie lourde. En effet, les sites archéologiques sont parfois très près de la surface. Ils peuvent donc être endommagés par le poids et les chenilles des excavatrices.

Les profondeurs qui seront atteintes lors des excavations sont aussi d’un grand intérêt. De plus, si des levés géotechniques ont été réalisés, en prévision des travaux, il faut en partager les résultats.  Les rapports de sondages géotechniques peuvent renseigner les archéologues sur la nature et la profondeur des sols.

Le guide recommande également de vérifier la présence de sites archéologiques connus, dans l’emprise des travaux et près de celle-ci. D’ailleurs, il liste des bases de données accessibles sur internet, pour aider les clients municipaux à faire la recherche. Notons cependant qu’un archéologue fera cette recherche (si elle n’a pas été faite) au moment de rédiger une soumission ou de demander un permis pour intervenir sur le terrain.

Première rencontre avec un archéologue (ou rédaction de l’appel d’offres)

À cette étape, le client clarifie ses besoins et ses objectifs. L’archéologue a également des impératifs liés à ses méthodes de travail et a la loi sur le patrimoine culturel. Par exemple, la loi l’oblige à rédiger un rapport d’intervention, lorsqu’il doit intervenir sur le terrain. Il faut pouvoir arrimer le tout, dans un contexte de compréhension mutuel. Il est désagréable de régler des malentendus après coup, alors que le chantier archéologique est amorcé ou terminé.

Parmi les sujets de discussion, notons la gestion des coûts. Est-ce que le promoteur désire un montant forfaitaire? Préfère-t-il payer pour les heures qui ont été réellement travaillées et pour les dépenses encourues? Combien de versements seront effectués? Dans le cas d’un montant forfaitaire, il est habituel de verser 50% des coûts après la réalisation du terrain et l’autre 50% à la remise du rapport. Il faut également décider qui prendra en charge les autres intervenants. Certains travaux archéologiques pourraient nécessiter un excavateur et un arpenteur. Le promoteur pourrait avoir accès à ces services à un coût moindre.

On devrait également convenir d’un échéancier des travaux nécessaires pour remettre les lieux en état, ainsi que des logiciels cartographiques à utiliser (AutoCad, Microstation, ArcGIS, Mapinfo).

Dans la mesure du possible, on devrait profiter de la première rencontre pour visiter le terrain avec l’archéologue. Il pourra ainsi se familiariser avec l’endroit et se faire une idée de la manière dont il organisera le chantier. Il pourrait se montrer intéresser par les lieux d’entreposage et les points de services (toilettes) disponibles. Ne vous surprenez pas s’il mentionne des aménagements ou des arbres qu’il aimerait faire enlever.

Autorisation des propriétaires

L’intervention pourrait avoir lieu sur des terrains qui n’appartiennent pas au promoteur. Il faudra donc obtenir la permission des propriétaires. Votre archéologue pourra préparer une entente à faire signer par ces derniers. Par ailleurs, l’accès au chantier archéologique pourrait nécessiter l’utilisation d’un chemin privé. Un droit de passage devra alors être demandé.

Visites sur le terrain

Le guide d’Archéo-Québec recommande de visiter le terrain pendant les travaux, en compagnie des archéologues. Cela permettra de se familiariser avec le contexte du site et les méthodes de recherche. La lecture du rapport sera d’autant plus simple, que le client aura une idée concrète de ce qui aura été fait et trouvé. Il faut parfois prendre des précautions avant de visiter un chantier archéologique. Par exemple, le port d’un casque se sécurité, de bottes à capes d’acier et un dossard pourraient être requis.

Recommandations des archéologues

Une fois qu’il aura collecté des données sur le terrain, l’archéologue sera en mesure d’émettre des recommandations. Souvent, il rédige un rapport d’étapes dans les jours qui suivent l’intervention. Ce rapport de quelques pages devrait déjà contenir des recommandations pour la suite des choses. Il n’est pas impossible que les propositions impliquent des délais ou des coûts supplémentaires. Il est important que le promoteur soit ouvert aux recommandations, mais l’inverse est aussi vrai. Une bonne discussion pourrait permettre de mettre en place des scénarios alternatifs. Le rapport final inclura également des recommandations, mais ce document pourrait être rédigé des mois après les recherches sur le terrain.


Troisième d’une série de quatre billets portant sur deux publications d'Archéo-Québec. La table des matières est accessible depuis l'introduction.