Les archéologues qui ont visité la plage du parc national d’Oka

Publié par Francis Bellavance Francis Bellavance, vendredi le 22 avril 2016
Cas pratique: Plage d'Oka

Depuis les années 30, érudits et archéologues ont tenté d’évaluer le site préhistorique de la plage du parc national d’Oka.

 

William D. Lighthall serait le premier à avoir mentionné le site archéologique de la plage du parc national d’Oka dans la littérature (Lighthall, 1934; Dumais, 2001 et Chapdelaine, 1990). Une seconde visite documentée a été effectuée par James F. Pendergast en 1965. Cependant, celui-ci ne jugea pas nécessaire d’y effectuer des excavations.

Le Code Borden BiFm-1 a été attribué au site situé sur la plage, pour l’identifier, suite aux travaux de l’archéologue Lorraine Létourneau Parent (1972). Durant l’été 1970, elle a pratiqué des puits de reconnaissance en plusieurs points du bourrelet de plage qui s’étale entre la « baie des Trappistes » et la rivière aux Serpents. Cependant, le rapport de l’intervention qui fait suite à cet inventaire n’a pas pu être consulté. Il est difficile de savoir ce qu’elle entendait par « baie des Trappistes », mais il pourrait s’agir de la Grande Baie. En juin et juillet 1971, elle entreprit une fouille à l’ouest de l’actuel centre de services Le Littoral. Trente-deux puits de 1 mètre de côté furent excavés, menant à la découverte de 549 tessons de poteries et d’une pointe en pierre. Ce second rapport est disponible pour consultation au centre de documentation en archéologie.

Un archéologue de l’Université de Montréal, Claude Chapdelaine (1988, 1990), a réalisé une intervention sur la plage du parc en octobre 1988. Aidé d’une équipe d’étudiants, le professeur a inspecté plus d’un kilomètre de sable, sur une plage longue de plus de 7 km. Un total de 30 sondages (50 cm x 50 cm), trois tranchées (1 m x 50 cm) et un puits (1 m x 1 m) ont été excavés, à l’est de la section de plage qui est utilisée à des fins récréative. Chapdelaine cherchait à vérifier la présence de portions de site intact (in situ)* et à connaître la limite est de BiFm-1. Bien qu’il ait mis à jour 24 tessons de poterie, aucun ne lui paraissait être à l’endroit où ils avaient été abandonnés par les Amérindiens. L’archéologue a suggéré l’hypothèse que les groupes préhistoriques se seraient installés plus bas sur la plage, à une époque où le niveau de l’eau était moins élevé.

En août 2001, le consultant Pierre Dumais (2001) réalisa la surveillance archéologique de sondages géotechniques, préalables à la construction d’un bâtiment aujourd’hui situé au cœur de la section récréative de la plage : le centre de services Le Littoral. Trois sondages (environ 1 m X 3 m de côté et 3 m de profondeur) ont été réalisés à l’aide d’une pelle mécanique. Aucun indice archéologique n’avait alors été observé. En se basant sur la littérature en géographie du quaternaire, cet archéologue a mis en doute l’hypothèse voulant que le niveau de l’eau ait remonté suite à une occupation humaine, immergeant ainsi le site BiFm-1.

En septembre 2007, le parc national d’Oka a effectué un inventaire archéologique sur des segments de plage où devaient être installés des enrochements végétalisés, soit des structures visant à protéger les berges de l’érosion  (Bellavance, 2008). Six zones ont été sondées. Un total de 220 sondages (50 cm par 50 cm) a livré 86 pièces en céramique, 14 artefacts en pierre et 38 objets historiques. Aucune pièce préhistorique n’était en contexte in situ, ce qui allait dans le sens des observations de Claude Chapdelaine. Par contre, les données de terrain ne permettaient pas de confirmer ou d’infirmer l’hypothèse de ce chercheur.

En 2010 et 2012, des sections d’empierrements végétalisés ont été mises en place, menant à une surveillance archéologique des excavations (Bellavance, 2010 et 2012a). Ces interventions ont toutes eu lieu sur la plage ou sur un bourrelet de plage. Aucun artefact n’était en place (c.-à-d. en contexte in situ).

En 2008, des tessons de poterie ont été découverts de manière tout à fait fortuite, sur la berge qui surplombe la plage. Les fouilles qui ont suivi ont mené à la découverte d’une portion in situ du site BiFm-1. Cette découverte tend à donner raison à Pierre Dumais. Le site original ne serait pas sous l’eau, mais au-dessus du niveau de l’eau! Six puits de fouilles et une tranchée ont été ouverts à cet endroit, entre 2008 et 2013 (Bellavance, 2009a et b, 2011, 2012b et 2013). La majorité de ces puits de 1 mètre x 1 mètre ont été fouillés avec l’aide du public, dans le cadre de l’activité de découverte : l’apprenti archéo : une fouille dans le passé.


* in situ est un mot latin qui signifie «en place» ou «dans le lieu précis où quelque chose se trouve». En archéologie, ce mot réfère à la position du matériel archéologique au moment où il a été abandonné par les populations anciennes ou encore, à l’endroit où les vestiges ont été découverts. Une fois qu’un artefact a été déplacé, il n’est plus en position in situ. Il en résulte une perte d’information, si le contexte de la découverte n’a pas bien été colligé. Dans le cas des objets découverts directement sur la plage du parc national d’Oka,  l’action de l’eau semble avoir déplacé les artefacts de leur lieu d’origine, entrainant la perte de précieuses données.

NOTE: Premier billet d'une série de 4 billets sur l'archéologie au parc national d'Oka. Consultez l'introduction pour accéder à la table des matières.

 

Bibliographie

 

Bellavance, Francis, 2008, Inventaire archéologique le long de segments de plage qui devront être stabilisés afin de protéger les rives du lac des Deux Montagnes, Oka. Parc national d’Oka, Oka, 53 p.

Bellavance, Francis, 2009a, Inventaire exploratoire dans le parc national d’Oka, septembre 2008, Parc national d’Oka, Oka, 51 p.

Bellavance, Francis, 2009b, Archéologie publique dans le parc national d’Oka, Août 2009, Parc national d’Oka, Oka, 46 p.

Bellavance, Francis, 2010, Surveillance archéologique dans le parc national d’Oka. Septembre et octobre 2010, Parc national d’Oka, Oka, 26 p.

Bellavance, Francis, 2011, Archéologie publique dans le parc national d’Oka. Juillet et août 2010, Parc national d’Oka, Oka.

Bellavance, Francis, 2012a, Surveillance archéologique dans le parc national d’Oka, Octobre 2012, Parc national d’Oka, Oka.

Bellavance, Francis, 2012b, Archéologie publique dans le parc national d’Oka. Août et septembre 2011, Parc national d’Oka, Oka, 49 p.

Bellavance, Francis, 2013, Archéologie publique dans le parc national d’Oka. Août et octobre 2012, Parc national d’Oka, Oka, 47 p.

Chapdelaine, Claude, 1988, Évaluation archéologique sur le site préhistorique BiFm-1, Parc Paul-Sauvé, Oka. Université de Montréal, département d’anthropologie, rapport inédit, 9 p.

Chapdelaine, Claude, 1990, « Un site du Sylvicole moyen ancien sur la plage d’Oka (BiFm-1) », Recherches amérindiennes au Québec, vol. XX, no. 1, pp. 19 à 35.

Dumais, Pierre, 2001, Projet de construction d’un centre multiservice dans le parc d’Oka. Surveillance archéologique de trois sondages géotechniques. SÉPAQ, rapport inédit, 7 p.

Létourneau-Parent, Loraine, 1972, Fouille archéologique à Kanesatake (Oka), été 1971. Université de Montréal, département d’anthropologie, rapport inédit.