Le rôle protecteur de l’archéologie.

Publié par Francis Bellavance Francis Bellavance, lundi le 20 juin 2016
Cas pratique: Le site BiFm-1

L’érosion de la rive du parc national d’Oka menace un site archéologique. Heureusement, des fouilles permettront de protéger les précieuses informations que recèlent les lieux.

 

Chaque printemps, les berges du parc national d’Oka sont soumises à l’érosion par le lac des Deux-Montagnes.  Le couvert forestier qui borde la plage est forcé de reculer, alors que le sable dans lequel s’enfoncent les racines est enlevé par l’eau. Ce phénomène naturel entraine la chute des arbres, notamment le chêne bicolore, une espèce sur le point d’être désignée menacée ou vulnérable. Un système de protection est actuellement en place, mais il résiste mal au travail incessant du glaciel et des vagues. De plus, il ne couvre pas une longueur suffisante de rive. Installés entre 1983 et 1995, des gabions forment un muret de pierres entre l’eau et la rive. À plusieurs endroits, les pierres sont désassemblées et se répandent sur la plage. Afin de remédier au problème, le parc national d’Oka a entrepris des recherches pour trouver de meilleurs systèmes de stabilisation. Deux systèmes sont actuellement à l’essai : des empierrements végétalisés et des troncs ancrés dans le sable. En attendant des résultats probants… l’eau poursuit son œuvre.

C’est d’ailleurs l’érosion qui a menée à la découverte de la portion in situ du site BiFm-1. En juin 2008, quatre-vingt-dix-huit tessons de poterie ont été aperçus à la surface du sol, sur la rive de la plage. Ils avaient été complètement déterrés par l’eau. Plusieurs autres tessons étaient toujours protégés par le sol, bien qu’ils émergeaient partiellement à la surface. Une fouille très ciblée a permis de «sauver» ces tessons et plus d’un millier d’autres, qui se terraient en dessous.

Puisqu’on ne sait pas encore comment faire obstruction à l’érosion, les fouilles ont été étendues en bordure de la rive. Elles progressent au rythme de 2 m² par année, avec l’aide de volontaires curieux et minutieux. Les vestiges sont dégagés avec soins, car le but ne se résume pas à les enlever avant qu’ils ne se fassent apporter par l’eau. Il faut également localiser leur emplacement et leur profondeur. Il faut examiner comment le sol se présente, tout autour de la découverte. Est-ce que les objets sont toujours à l’emplacement où ils ont été abandonnés, des siècles auparavant? Est-ce que les racines semblent avoir déplacé des objets, depuis? Y a-t-il des objets récents qui se sont mélangés avec les artefacts anciens? Est-ce que de nouvelles couches de sol se sont formées, au-dessus de l’occupation préhistorique?

Il faut également documenter le contexte de la découverte. Une structure de foyer datant du Sylvicole moyen (2400 à 1000 ans avant aujourd’hui) a été mise au jour sur le site. Certains objets peuvent donc être mis en relation avec le foyer. Chaque grosse pierre, même si elle semble être naturelle, est localisée sur un plan. Celle-ci a pu être apportée par les autochtones, pour ensuite être utilisée. D’ailleurs, certaines roches découvertes sur les lieux portent des traces qui suggèrent qu’elles ont subie l’effet du feu.

Chacune des informations colligées sur le terrain à son importance, car une fois les artefacts enlevés, par l’eau ou les fouilleurs, il n’est plus possible de revenir en arrière.

Les fouilles ont permis de reconnaître ce qui semble être un remblai entre le gabion et la rive naturelle. Cet espace joue le rôle d’un tampon entre le gisement archéologique et le muret de pierre, assailli par l’érosion. Il nous permet de poursuivre les travaux archéologiques au rythme actuel, sans que de nouveaux artefacts soient dégagés par l’eau. Par contre, ce dernier rempart pourrait prochainement être emporté.

Depuis la première intervention, en 2008, la progression de l’érosion est répertoriée chaque année. Des plans et des photos permettent de suivre les dommages causés à la rive, près de l’endroit où se trouve le site. D’ailleurs, trois formes d’érosion ont pu ainsi être reconnues :

  • Une érosion par sapement de la base du talus de la berge.
  •  Une érosion due à un niveau du lac parfois supérieur à celui de la rive. L’eau érode alors la bordure du replat, en haut du talus, formant ainsi un microtalus.
  • Une érosion due au ruissellement, sur le replat de la berge. 

 


NOTE: Troisième billet d'une série de 4 billets sur l'archéologie au parc national d'Oka. Consultez l'introduction pour accéder à la table des matières.