MES PASSAGES PRÉFÉRÉS DU GUIDE SUR L’ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

Publié par Francis Bellavance Francis Bellavance, lundi le 26 novembre 2018
Catégorie: Actualité

Le réseau de l’archéologie au Québec, Archéo-Québec, à publier en 2012 un guide pratique sur l’archéologie. J’y ai repéré trois beaux passages, que j’aimerais partager.

Archéologie préventive

Le premier passage se trouve à la page 10 du guide. Il définit ce qu’est l’archéologie préventive et souligne ses principaux avantages. Ainsi, selon le document, l’archéologie préventive est :

«Une recherche appliquée dont le but est la conservation des sites ou, lorsque cela n’est pas possible, la récolte d’un maximum d’informations sur ceux-ci avant qu’ils ne soient détruits. (…) Ce qui distingue principalement cette discipline, c’est qu’elle s’insère dans le travail de planification et de concertation des projets de construction et d’aménagement. Plus l’archéologie est considérée en amont de ce processus, plus on augmente les possibilités de préserver les sites et plus il est facile de transformer ce qui, de prime abord, peut apparaître comme une contrainte, en une plus-value par la mise en valeur du patrimoine.»

Patrimoine archéologique unique

Le second passage est de loin mon préféré. Je l’avais surlignée dès ma première lecture de l’ouvrage. On peut lire, à la page 4 :

«Le patrimoine archéologique de chaque ville est unique, il constitue une signature originale qui illustre concrètement les efforts déployés par chaque groupe, famille et individu pour améliorer son milieu de vie, de la dernière déglaciation à la génération de nos grands-parents.»


On se souviendra qu’en 2009 la ville de Québec avait embauché le «psychanalyste des marques» (Le Soleil), Clotaire Rapaille, pour se créer une signature originale. Le maire de la ville, Régis Labeaume, avait dû mettre fin à un contrat de 250 000$ après la découverte d’inexactitudes dans le curriculum vitae du spécialiste. C’est finalement en se basant sur l’histoire de la ville qu’on en est venu à dégager un énoncé identitaire : Québec, l’accent d’Amérique (Québec hebdo). Cette image de marque fait référence à la fondation très ancienne de Québec par Samuel de Champlain (1608), qui en fit le berceau de la francophonie en Amérique du Nord. Des deux langues parlées par les conquérants de l’Amérique du Nord (français et anglais), seul le français nécessite l’utilisation d’accents dans son écriture. De plus, on joue sur l’expression «mettre l’accent sur quelque chose», c'est-à-dire «accorder la priorité». Dans le cas de Québec, la priorité semble accordée en vertu de son importance dans l’histoire coloniale.

La ville de Montréal a également fait l’objet de recherches identitaires. Les résultats semblent s’inspirer de l’histoire. Dans son ouvrage, The Spirit of Cities : Why the Identity of a City Matters in a Global Age (Tiré du blogue de François Cardinal dans La Presse, le 13 avril 2012), Daniel A. Bell conclut que la métropole est riche de ses deux communautés linguistiques: les Français et les Anglais. Lors de la révolution industrielle, les capitaux anglais et la main d’œuvre francophone ont favorisé le développement de la ville. Évidemment, cette cohabitation a mené à des confrontations, mais elles tendent à s’estomper avec le temps. De plus, l’office de consultation publique de Montréal (OPCM) a sondé 334 citoyens dans le but de cerner l’identité de Montréal, en prévision de son 375e anniversaire. Un élément qui ressort de l’enquête est le rapport qu’entretiennent les Montréalais avec l’eau. L’OPCM y voyait un fil conducteur entre la culture et l’économie verte. Par contre, n’oublions pas que la position de l’île au cœur du fleuve Saint-Laurent a largement contribué au développement de ses industries, à une époque où l’on ne parlait pas encore d’économie verte. Bien qu’elles prennent racine dans l’histoire, les identités évoluent au fil du temps.

C’est la persévérance et l’ambition humaine qui créent les agglomérations. Ce sont les environnements naturels qui attirent ou repoussent, les gens. En mettant au jour les vestiges du passé, on expose l’aventure humaine à la base du regroupement social. En mettant en valeur ce patrimoine, on expose la signature unique d’une municipalité.

Archéologie en région éloignée

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec le dernier passage du guide d’Archéo-Québec, mais l’idée qu’il véhicule est fort intéressante. Il est écrit à la page 6:

«De Blanc-Sablon à Fort-Coulonge, de Gaspé à Saint-Anicet, de Frelighsburg à Kuujjuaq, des gens ont vécu en tous lieux et souvent depuis plusieurs millénaires. Pour les archéologues, il n’y a pas de régions éloignées, il n’y a que des milieux de vie qui demandent à être étudiés. Partout où les archéologues interviennent, ils arrivent à déceler des trajets culturels nécessairement originaux puisque les sites qu’ils mettent au jour témoignent des liens directs que des individus ou des familles ont entretenus avec leur territoire de prédilection.»

Les sites archéologiques semblent, en effet, bien répartis sur l’ensemble du  territoire québécois. Par contre, on distingue des milieux qui ont favorisé l’occupation humaine. Par exemple, à la croisée des rivières ou à proximité de ressources économiques d’intérêt. Il est également fréquent que des sondages archéologiques s’avèrent improductifs. Les archéologues ne trouvent pas des témoins culturels partout où ils interviennent. Par contre, il est surprenant de découvrir la variété d’habitats auxquels les gens ont pu s’adapter, grâce à leur capacité à créer de la culture.

Il y a des régions éloignées, même pour les archéologues. Mais plusieurs d’entre eux sont prêts à s’y aventurer pour exercer leur profession. On doit aussi tenir compte du facteur d’éloignement, lorsqu’on étudie les occupations anciennes. À titre d’exemple, les migrations ou les transhumances (même préhistoriques) sont perçues comme un déplacement où certains s’éloignent de leur milieu d’origine. De plus, certaines recherches archéologiques sont menées en prenant en compte un centre culturel important, en périphérie duquel gravitent des groupes qui en subissent l’influence (à l’image de nos villes et banlieues). Par contre, il ne faut pas sous-estimer l’intérêt de ces régions «éloignées». Elles sont porteuses d’espoir, pour les courageux migrants. Les régions périphériques offrent également leur lot d’avantages.


Premier d’une série de quatre billets portant sur deux publications d'Archéo-Québec. La table des matières est accessible depuis l'introduction.

 

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