Types d’interventions archéologiques

Il existe deux grandes catégories de  recherches archéologiques : l’archéologie universitaire et l’archéologie préventive. C’est ce second type d’archéologie qui est offert par les entreprises offrant les services de consultants.

La démarche archéologique comporte cinq étapes qui ont tendance à se succéder : l’étude de potentiel, l’inventaire, la fouille, la diffusion et la mise en valeur du patrimoine. La surveillance est une autre intervention, qui peut parfois remplacer la fouille. Il n’est pas nécessaire de réaliser toutes ces étapes pour qu’un projet soit valable. Tout dépend de la situation ou des besoins.

La manière de réaliser ces interventions diffère selon que l’on prévoie trouver des vestiges historiques ou préhistoriques. La démarcation entre ces deux périodes est l’année 1534, soit la date des plus anciens documents écrits portant sur le Québec. Chaque intervention donne lieu à la rédaction d’un rapport contenant une analyse des données, l’interprétation des résultats et des recommandations.


Archéologie préventive

Objectifs et méthodes

L’archéologie préventive se distingue de celle pratiquée par les universitaires par son côté pragmatique. Les méthodes développées pour son application ne relèvent pas de la recherche au sens pure. Elles ont été adaptées pour répondre au besoin de protéger le patrimoine, tout en acquérant des connaissances sur notre histoire ou notre préhistoire.

Elle s’inscrit dans une tendance à vouloir agir avant qu’un site ne soit directement menacé par des travaux. Idéalement, au moment de planifier l’utilisation d’un territoire. Dans une M.R.C., l’archéologie peut être prise en compte lors de la rédaction d’un schéma d’aménagement, dans une municipalité elle peut être incluse dans le plan d’urbanisme et dans un parc, elle gagne à faire partie du plan de conservation.

De même, un archéologue devrait être consulté au moment de planifier un projet de construction ou d’aménagement. Ce professionnel peut évaluer les chances de rencontrer des vestiges (à l’aide d’une étude de potentiel) et les coûts pour les extraire du sol (suite à un inventaire). Il peut éviter des dépenses imprévues et des délais indus, attribuable à une découverte fortuite. En effet, la loi sur le patrimoine culturel impose des interventions archéologiques sur les sites qui pourraient être mis au jour lors des excavations. L’archéologue peut aider à concevoir un projet qui risque peu d’être entravé par la ressource archéologique. Mieux encore, il peut contribuer à mettre à profit cette ressource, grâce à un programme de diffusion ou de mise en valeur.

L’archéologie préventive provient de l’archéologie de sauvetage, laquelle a encore sa raison d’être. Malgré toutes les bonnes intentions des intervenants, il arrive que des vestiges soient remarqués au cours de travaux d’aménagement. Il convient donc d’agir vite pour collecter un maximum d’informations archéologiques et limiter les frais causés par l’imprévu.

Quand effectuer cette intervention

  • Lors de  la préparation d’un  plan de gestion ou de conservation d’un territoire.
  • Dans le cadre de la rédaction d’un schéma d’aménagement ou d’un plan d’urbanisme et de développement.
  • Dans le cadre d’une étude d’impact environnemental
  • Au moment de planifier un projet de construction ou d’aménagement (renouvellement ou création des infrastructures).
  • Lorsque des vestiges sont découverts au cours de travaux d’immobilisation.

Études de potentiel

Objectifs et méthodes

L’étude de potentiel vise à connaître les endroits les plus susceptibles de receler des vestiges archéologiques (bâtiments, campements amérindiens, anciennes voies de circulation, etc.), sur un territoire prédéterminé. C’est une démarche qui s’effectue dans un bureau, bien qu’une visite sur le terrain soit parfois appropriée, pour évaluer l’état des lieux et repérer les vestiges visibles à la surface du sol.

Les études de potentiel préhistoriques font surtout appel à des données environnementales. Des photographies aériennes sont étudiées en stéréoscopie afin de localiser les zones présentant un potentiel archéologique fort, moyen et faible. Ces zones sont discriminées en fonction de caractéristiques géomorphologiques (présence de cours d’eau, reliefs, drainage du sol, exposition aux vents dominants, etc.) ayant pu favoriser  l’occupation humaine. Des données archéologiques, historiques et ethnographiques peuvent également être utilisées. Par exemple, la présence de nombreux sites préhistoriques dans un secteur, des mentions de présences autochtones dans des documents anciens ou dans la tradition orale peuvent être des indices favorables.

En archéologie historique, les données les plus fiables sont généralement des plans anciens localisant des bâtiments ou des zones d’activités. Ces plans sont juxtaposés, c’est-à-dire placés l’un par-dessus l’autre, afin de s’assurer que la position des différents éléments est la même, d’un plan à l’autre. Puisque les plans sont généralement dessinés à des années différentes, cela permet également d’entrevoir l’évolution des lieux. De nombreux documents d’archives sont également analysés, afin de mieux saisir le contexte historique et documenter les activités menées à l’endroit étudié. Bien que ces documents soient surtout textuels, des documents iconographiques (photos anciennes, aquarelles, dessins, etc.) peuvent également être mis à profit. Avant d’être utilisées, les sources historiques doivent faire l’objet d’une critique, afin de reconnaître les imprécisions sur certains plans et de reconnaître les textes qui peuvent être biaisés.

Quand effectuer cette intervention

  • Lors de  la préparation d’un  plan de gestion ou de conservation d’un territoire.
  • Dans le cadre de la rédaction d’un schéma d’aménagement ou d’un plan d’urbanisme et de développement.
  • Dans le cadre d’une étude d’impact environnemental
  • Avant la réalisation de travaux d’immobilisation susceptibles de porter atteinte à des ressources archéologiques, bien  que ces dernières soient encore inconnues.

Inventaire archéologique (ou prospection)

Objectifs et méthodes

L’inventaire archéologique est conçu pour vérifier la présence de vestiges aux endroits menacés par des travaux d’immobilisation (construction de bâtiments, de routes, réfection d’infrastructures, enfouissement de fils ou de tuyaux, aménagements, etc.) ou présentant un certain potentiel. Il permet un premier contact avec ce qu’il y a sous la surface. Si un ou des sites devaient être découverts, il est souvent possible de reconnaître les différentes occupations humaines qui s’y sont succédé et d’avoir un aperçu de leurs importances. La superficie du site et son intégrité (a-t-il été perturbé par des travaux antérieurs ou par l’érosion ?) peuvent également être évaluées. De plus, la composition du sol et l’épaisseur de ses différentes couches (stratigraphie) sont enregistrées. Finalement, il devient possible d’estimer les coûts d’une fouille systématique du site ou de recommander tout autre type d’intervention. Les méthodes de l’inventaire sont parfois utilisées simplement pour délimiter l’étendue d’un site archéologique connue, tout en le documentant.

Les archéologues préhistoriques procèdent d’abord par un repérage visuel, à la surface sol. Cela permet de connaître l’état des lieux et les forces de la nature qui agissent sur le terrain (érosion, accumulation de sols, drainage, présence de remblai, etc.), pour en tirer parti. À titre d’exemple, l’érosion peut avoir mis au jour des artefacts et les remblais peuvent être évités par l’équipe pour ne pas creuser en vain. Il arrive que des vestiges soient découverts directement sur le sol.

Ensuite, des sondages exploratoires de 50 cm x 50 cm sont excavés sur l’ensemble de la surface étudiée. Ils sont espacés de 5 à 15 mètres les uns des autres et répartis de façon systématique. À l’occasion, des tranchées (trous de forme allongés) et des puits (trous de 1 m de côté) peuvent être utilisés pour sonder sur une plus grande étendue, à des endroits bien précis. Cette intervention est généralement réalisée à l’aide d’une truelle servant à gratter le sol et d’une pelle. La découverte d’artefacts préhistoriques signifie habituellement qu’un site  archéologique a été découvert.

Les archéologues historiques ne sont généralement pas limités par la présence des remblais, puisqu’ils travaillent souvent en équipe avec un excavateur professionnel. Une fois l’inspection visuelle de la surface terminée, ils supervisent le travail que fait la machinerie. Ils procèdent par tranchée, observant le sol retiré par la pelle mécanique, le fond et les parois du trou. Lorsqu’une observation attise leur intérêt, ils arrêtent l’excavatrice. Équipés d’une pelle ou d’une truelle, ils poursuivent le travail avec plus de minutie. Pour qu’une découverte puisse  être considérée comme étant un site archéologique historique (ou euroquébecois), elle doit habituellement inclure des vestiges de bâtiment et être antérieure à l’année 1950.

Quand effectuer cette intervention

  • Lorsque des  travaux d’immobilisation doivent être réalisés dans une zone présentant un potentiel archéologique.
  • Pour vérifier la présence de vestiges sur un terrain, dont l’existence est déduite à partir de documents d’archives ou de la tradition orale.
  • Avant d’amorcer une fouille systématique sur un site connu, afin de documenter sa nature, son importance, son étendue, son niveau de conservation, etc.

Fouilles archéologiques

Objectifs et méthodes

La fouille consiste à déterrer le contenu culturel (artefacts, traces d’occupations, fondations, etc.) d’un site archéologique. Au moment d’entreprendre cette étape, le site est connu et désigné par un code Borden. Il s’agit d’un code composé de quatre lettres suivies d’un chiffre (ou d’un nombre), octroyé par le Ministère de la Culture et des Communications du Québec pour désigner le site en question.

Les archéologues préhistoriques et historiques ont chacun leur manière de subdiviser l’espace à l’intérieur d’un site. En archéologie préhistorique, un carroyage est déployé à la grandeur du site. Chacun des carrés est considéré comme une unité de fouilles et correspond à un puits d'un mètre de côté. Le puits est désigné par des coordonnées le long des axes X et Y. Pour une plus grande précision spatiale, les puits sont à leur tour subdivisés en quadrants de 50 cm de côté.

Les archéologues historiques, quant à eux, utilisent le système Tikal (ou système de provenance). Un code alphanumérique est donné à chaque unité de fouille. Le premier numéro (composé d’un chiffre et d’une lettre) correspond au site (lequel est également désigné par son code Boden). Puis, le site est subdivisé en opérations (désignées par des chiffres), lesquelles sont subdivisées en sous-opérations (identifiées par des lettres). Les plus petites unités de ce système hiérarchique sont les lots, qu’on identifie par des chiffres. Tandis que les trois premières positions (site, opération et sous-opération) correspondent à un emplacement sur le plan horizontal, le dernier chiffre (lot) correspond à un positionnement vertical, souvent en relation avec la profondeur dans le sol.

La fouille est habituellement réalisée avec une truelle. Les archéologues grattent minutieusement le sol à l’aide de cet outil, un niveau à la fois. Ces niveaux peuvent être des couches de sédiments superposés, des occupations humaines dont les traces sont disposées les unes par-dessus les autres ou simplement, des niveaux déterminés de manière arbitraire. À cette étape, il est fréquent de tamiser les sols excavés pour s’assurer que des artefacts (objets manufacturés par l’homme) n’aient pas échappé à l’œil averti des fouilleurs.

Différentes techniques d’enregistrement de l’information permettent de consigner les données livrées par la fouille : prise de photos, dessins de plans, dessin du profil des sols, prise de notes dans un cahier et sur différents types de fiches. Ces enregistrements doivent être réalisés de façon rigoureuse, puisque la fouille implique le retrait du sol des témoins culturel. Une fois que les vestiges sont retirés de leur contexte, il n’est plus possible de retourner en arrière pour vérifier leurs positions dans telle couche de sédiment ou pour refaire un plan. L’archéologue détruit son sujet d’étude (le site), à mesure qu’il recueille ses données. Les précieuses données lui permettront de reconstituer en partie la vie des gens qui ont occupé le site dans le passé. Ces informations inédites sont uniques au site en question.

Lorsque des travaux d’aménagement ou de construction doivent être entamés, il est possible de protéger les informations culturelles d’une destruction imminente grâce à une fouille systématique. En effet, celle-ci permet d’enregistrer un maximum d’éléments significatifs et de retirer les vestiges du sol.

Quand effectuer cette intervention

  • Avant d’entreprendre des travaux d’immobilisation à l’emplacement d’un site  archéologique connue, afin d’en minimiser l’impact.
  • Suite à la découverte fortuite d’un site archéologique, lors d’excavations.
  • Lorsqu’un plan de développement ou de mise en valeur d’un lieu implique l’acquisition de connaissance sur son histoire et la mise au jour des vestiges qu’il renferme.

Supervison (surveillance de travaux)

Objectifs et méthodes

Suite à un inventaire archéologique, mené en prévision de terrassements, un archéologue peut recommander une supervision des travaux. C’est souvent le cas lorsque les données portent à croire en une absence de vestiges significatifs à un endroit… mais où le doute subsiste. La supervision vise à éviter la fouille systématique et ainsi mitiger les coûts.

Plutôt que de creuser lui-même le sol à la main, le consultant surveille le travail de l’excavatrice. Il observe le sol extrait, scrute le fond des trous, regarde les parois des tranchées et tente ainsi de repérer des vestiges du passé. En cas de découverte, il peut faire arrêter la pelle mécanique. L’archéologue prendra différents relevés, qu’il y ait une découverte ou non, afin de documenter son travail. Ce type d’intervention est surtout réalisé en archéologie historique.

Le terme supervision archéologique est également employé pour désigner un décapage à la pelle mécanique. Une couche de remblai est alors enlevée, avant que ne débute la fouille manuelle. Ce terme est également utilisé dans le cadre d’un inventaire, lorsque des tranchées mécaniques sont excavées, au bénéfice des archéologues. Dans ces deux cas, la supervision n’est plus une étape à part entière de la démarche archéologique. Elle est plutôt incluse à l’intérieur de l’une d’elles : la fouille ou  l’inventaire.

Quand effectuer cette intervention

  • Lorsqu’un chantier de construction ou d’aménagement est prêt à débuter et que l’excavatrice est sur les lieux.

Diffusion et mise en valeur du patrimoine archéologique

Objectifs et méthodes

Les activités de diffusion et de mise en valeur permettent d’abord de faire connaître les ressources archéologiques d’un lieu. Elles peuvent également véhiculer un message, accroitre la visibilité d’un promoteur ou la notoriété d’un lieu, créer une ambiance, développer un sentiment d’appartenance ou sensibiliser les gens à leur histoire. En créant un impact émotif, ces activités contribuent à changer les mentalités et à influencer les comportements de consommation. D’ailleurs, certains projets québécois de diffusion et de mise en valeur sont devenus de véritables attraits touristiques, générant des retombées économiques.

La diffusion et la mise en valeur peuvent être vues comme la dernière étape de la démarche archéologique, bien que ces activités puissent suivre n’importe quelle autre étape (étude de potentiel, inventaire ou fouille). Toutefois, plus il y aura de données recueillies sur le site, plus il sera possible d’en brosser un portrait complet pour le public et plus il sera possible de créer une expérience qui sort de l’ordinaire.

La mise en valeur se distingue de la diffusion par le fait qu’elle implique des aménagements sur le sol rappelant les vestiges découverts sous la surface (plaques commémoratives, panneaux d’interprétation, rappel au sol). Il est aussi possible d’exposer des fondations aux yeux de tous. Toutefois, comme elles ne seront plus protégées par une couche de sol, il faut prévoir leurs restaurations, leurs stabilisations et leurs entretiens. Les rappels au sol sont une alternative souvent moins coûteuse. Dans ce dernier cas, des dalles de béton où des aménagements végétaux sont placés aux endroits où se trouvent les murs anciens. Les visiteurs peuvent ainsi avoir un aperçu concret de l’emplacement et de la dimension des bâtiments anciens. Un consultant en archéologie peut rédiger un plan de mise en valeur. Pour certains projets d’envergure, il lui est nécessaire de travailler en équipe avec le service d’urbanisme ou d’aménagement du territoire.

La diffusion est une activité au cours de laquelle l’archéologue transmet les résultats de ses recherches à des spécialistes ou au grand public. Elle prend souvent la forme de conférences, de visites guidées sur le site et d’articles scientifiques ou de vulgarisations. Il peut également faire appel à des spécialistes de différents médias pour la réalisation d’expositions, de brochures, de courts métrages, de sites web ou d’audioguides.

Deux formes de diffusion sortent du lot et semblent particulièrement plaire au public : les fouilles simulées et les fouilles véritables auxquelles les familles sont invitées à participer. Les fouilles simulées impliquent la reconstitution d’un site que les participants, souvent des enfants ou des étudiants (primaire, secondaire ou Cégep), pourront fouiller. Le niveau élevé d’interactivité induit par ce type d’animation favorise l’apprentissage de l’histoire, tout en s’amusant.

Il est de plus en plus courant d’impliquer les familles dans des fouilles archéologiques. Ces participants ont ainsi la chance de s’impliquer dans l’acquisition de connaissances sur l’histoire des lieux, ce qui est une source non négligeable de fierté. De plus, ils ont la possibilité d’expérimenter le plaisir de découvrir de véritables artefacts, qui ont été abandonnés il y a des centaines ou des milliers d’années. Un plaisir qu’ils partageront longtemps avec leur entourage…

Afin d’assurer le succès de ce type d’activité, il est important d’acquérir au préalable des données sur le site. Un inventaire et, si possible, une fouille partielle permettront de cibler les meilleurs endroits à fouiller avec les familles. De plus, il faut publiciser adéquatement l’événement. Les journaux locaux et la publicité produite par le réseau Archéo-Québec sont généralement les médias les plus efficaces pour attirer des participants. En retour, la promotion accroit la visibilité des promoteurs et fait rayonner les lieux. Comme il s’agit d’une véritable intervention sur le terrain, les amateurs doivent être étroitement supervisés par des archéologues. Cette proximité favorise les discussions avec le spécialiste. Par ailleurs, il n’est pas rare que les promoteurs demandent des frais de 5 à 15$ pour cette activité, afin de réduire les coûts de l’intervention archéologique.

Quand faire de la diffusion ou de la mise en valeur

  • À la suite d’un inventaire archéologique ou, mieux, après que des fouilles aient été réalisées.
  • Au moment de célébrer l’anniversaire d’une municipalité
  • Lorsqu’un organisme ou un promoteur veut faire connaître ses efforts pour la sauvegarde du patrimoine ou l’acquisition de nouvelles connaissances.
  • Lorsqu’un organisme ou un promoteur responsable de gérer un lieu ou un projet désire véhiculer des émotions positives (sentiment d’appartenance, ambiance agréable, notoriété, sensibilisation à une cause)
  • Durant le Mois de l’archéologie

 

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