Le Paléoindien ancien (ou inférieur) dans la plaine du Saint-Laurent (12 000 à 10 000 A.A.)

Publié par Francis Bellavance Francis Bellavance, lundi le 28 novembre 2016

La période du paléoindien  (12 000 à 8 000 A.A.) est subdivisée en deux phases : le Paléoindien ancien (12 000 à 10 000 A.A) et le Paléoindien récent (10 000 à 8 000 A.A.). Le Paléoindien ancien est caractérisé par l’usage de la pointe à cannelure (pointe Clovis), tandis qu’au Paléoindien récent, les chasseurs privilégiaient une pointe à retouche parallèle (pointe Plano). L’illustration de ce billet est tirée de l’ouvrage AIR archéologie du Québec (Pintal, Provencher et Piédalue, 2015). Elle présente une pointe à cannelure estompée (à gauche) et une pointe à retouches parallèles (à droite).

Dans la région de la ville de Québec, trois sites archéologiques (CeEt-657, CeEt-658 et CeEt-778) ont été attribués au Paléoindien ancien, par l’archéologue Yves Chrétien. Les artefacts ont été trouvés à une altitude de 53 mètres dans une couche de limon jaunâtre, dont l’origine est possiblement marine. Il est donc possible de supposer que des gens occupaient les pourtours de la mer de Champlain il y a 10 500 ans A.A., alors que le niveau de l’eau atteignait une cinquantaine de mètres au-dessus du niveau moyen des mers. De plus, l’un de ces sites (CeEt-657) aurait livré un objet en pierre non achevé (préforme), mais au travers duquel le tailleur avait pratiqué une imposante cannelure. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une pointe, à proprement parler, l’artefact porte la marque caractéristique de la phase ancienne du Paléoindien.

Pendant ce temps, le niveau de la mer de Champlain était plus élevé en amont de Québec. En effet, vers 11 000 ans A.A. le niveau marin atteignait 150 m à Montréal et 200 m près de Trois-Rivière. Puis, autour de 10 000 ans A.A., le niveau s’est abaissé à 85 m dans la région de Montréal et à 100 m dans la région de Trois-Rivière. À ce jour, aucun site Paléoindien ancien n’est connu à ces altitudes, dans la plaine du Saint-Laurent.

À l’époque, Québec était à l’extrémité d’un détroit qui joignait la mer de Champlain et la mer de Goldthwait. La rivière Chaudière venait s’y jeter. Le couloir d’environ 80 km par 40 km était soumis à de fortes marées qui brassaient les eaux salées et douces, favorisant ainsi la vie marine. La faune y était plus riche qu’à tout autre endroit de la mer de Champlain. Les Paléoindiens en retiraient probablement la truite grise, l’éperlan, la morue, le marsouin et diverses espèces de phoques. Sur la terre ferme, des troupeaux de caribous parcouraient un paysage de toundra.

Des archéologues pensent que les Paléoindiens de la région de Québec pourraient provenir du Vermont et du Maine. Ils auraient pénétré le Québec en passant par la région du Méganticois, qui forme un corridor à travers les Appalaches. D’ailleurs, un site de plus de 12 000 ans a été découvert à cet endroit. Ce site, nommé Cliche-Rancourt, a livré plusieurs pointes à cannelure. Elles étaient emmanchées à des lances, afin de chasser le caribou. Les chasseurs auraient par la suite emprunté la rivière Chaudière pour atteindre le détroit de Québec et poursuivre leurs activités de chasse, tout en profitant des ressources supplémentaires qu’offrait la mer intérieure.


Second d’une série de neuf billets sur la préhistoire des basses-terres centrales. La table des matières est accessible depuis l'introduction.

Références:

Bêty, 2012, Contexte paléoenvironnemental du peuplement de la région du détroit de Québec, au cours des périodes paléoindienne et archaïque ancienne, Mémoire pour le grade maître ès arts, département d’histoire, université Laval, Québec, 157 p.

Pintal, Provencher et Piédalue, 2015, AIR archéologie du Québec, Territoire et peuplement, Pointe-à-Callière, Les Édidions de l’homme, Montréal, 215p.

Parent et all., Paléogéographie du Québec méridional entre 12 500 et 8 000 ans BP, 1985, Recherches amérindiennes au Québec, vol. XV., nos 1-2, p. 17 à 37.